J'ai tant rêvé de toi.
J'ai
tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il
encore temps d'atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la
naissance de la voix qui m'est chère ?
J'ai
tant rêvé de toi que mes bras habitués, en étreignant ton ombre, à se croiser
sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.
Et
que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des
jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute.
Ô
balances sentimentales.
J'ai
tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps sans doute que je m'éveille. Je dors
debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l'amour et toi,
la seule qui compte aujourd'hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front
et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venus.
J'ai
tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu'il ne me reste
plus peut-être, et pourtant, qu'à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre
cent fois que l'ombre qui se promène et se promènera allègrement sur le cadran
solaire de ta vie.
Tanto soñé contigo.
Tanto
soñé contigo que pierdes tu realidad.
¿Es
tiempo aún de alcanzar ese cuerpo viviente y de besar en esa boca el nacimiento
de la voz que amo?
Tanto
soñé contigo que mis brazos, acostumbrados a cruzarse sobre mi pecho al abrazar
tu sombra, no se amoldarían quizás al contorno de tu cuerpo.
Y
que, ante la apariencia real de lo que me obsede y me gobierna desde hace días
y años, me transformaría tal vez en una sombra.
¡Oh
incertidumbres sentimentales!
Tanto
soñé contigo que ya no es tiempo tal vez de que despierte. Duermo de pie, el
cuerpo expuesto a todas las apariencias de la vida y del amor y en cuanto a ti,
la única que hoy me importa, menos podría tocar tus labios y tu frente que la
primera frente y los primeros labios que llegasen.
Tanto
soñé contigo, tanto caminé, hablé, dormí con tu fantasma que no me queda ya, y
sin embargo, sino ser un fantasma entre fantasmas y cien veces más sombra que
la sombra que se pasea y se paseará, vivaz, por el reloj de sol de tu vida.
.
Traducción
de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán.
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